L’Hôtel-Dieu de Montréal en bref
Petit dispensaire en bois au milieu du fort Ville-Marie en 1642, l’Hôtel-Dieu est, en 1645, la première maison construite à l’extérieur des palissades. Nommé « la maison de Mademoiselle Mance », il devient la plaque tournante de la ville naissante, sa paroisse et son refuge. Montréal s’est construit autour. En 1651, Jeanne Mance protège la ville naissante du péril iroquois grâce aux fonds de l’Hôtel-Dieu qu’elle emploie à la levée de la Grande recrue, laquelle sauvera non seulement Montréal, mais aussi le Canada français en 1653. En 1659, elle part chercher à La Flèche, en France, les trois premières Hospitalières afin de l’aider dans les tâches de l’hôpital. À sa mort en 1673, après une période intérimaire de trois ans par les Sulpiciens, les Hospitalières lui succèdent et deviennent les gardiennes de la mémoire des débuts de Montréal, mais aussi de l’Hôtel-Dieu et de sa mission d’assistance et de soins des malades.
Au XVIIIe siècle, l’Hôtel-Dieu brûle à trois reprises laissant s’envoler écrits et vestiges des débuts de Montréal. À chaque fois, les Hospitalières le reconstruisent avec leurs propres deniers. Pendant près de deux cents ans, l’Hôtel-Dieu demeure le seul hôpital de Montréal. Après la conquête de 1760, l’institution soigne les malades sous le régime anglais où chirurgiens francophones et anglophones travaillent de concert, jusqu’à l’arrivée en 1821 du Montreal General Hospital, deuxième hôpital de la ville. En 1861, faute de place, les Hospitalières bâtissent un nouvel établissement à la campagne où l’air est plus pur pour les malades, sur un terrain qui leur a été donné en échange de soins. Ce déménagement colossal suppose l’exhumation et la ré-inhumation des corps de Jeanne Mance et des premières Hospitalières dans la crypte située sous la chapelle actuelle. Depuis ce temps, les Hospitalières ont élu domicile au pied de la montagne, où est situé l’Hôtel-Dieu.
L’enseignement de la médecine a commencé en 1850 à l’Hôtel-Dieu lorsque les religieuses ont accepté de recevoir dans leurs salles les étudiants et les professeurs de l’École de médecine et de chirurgie de Montréal. Dès 1901, elles fondent l’École des infirmières de l’Hôtel-Dieu. Cette école a formé plus de 3000 infirmières avant de fermer ses portes en 1970, suite à la réforme de l’enseignement des sciences infirmières. Enfin, en 1953, les religieuses créent un département de recherches cliniques sous la direction du Dr Jacques Genest, qui deviendra un des plus beaux fleurons de la recherche au Canada.
Cet hôpital est né de la générosité tant des laïcs que des religieuses. Jeanne Mance, fondatrice de Montréal et de l’Hôtel-Dieu, Madame de Bullion, sa bienfaitrice et Jérôme Le Royer, concepteur du projet de Montréal et fondateur de la congrégation des Hospitalières de Saint-Joseph, étaient tous trois laïcs. Ils ont fait venir les Filles Hospitalières de Saint-Joseph à Montréal en 1659 pour seconder Jeanne Mance à l’Hôtel-Dieu dix-sept ans après son édification. Cet engagement laïc-religieux a perduré jusqu’à nos jours. Comme un retour du balancier, les Hospitalières ont en effet mis sur pied dans les années 1960 l’Association des Auxiliaires-bénévoles de l’Hôtel-Dieu, composée de laïcs, afin de soutenir leur engagement humain et gratuit dans les services aux malades. À ce moment, l’Hôtel-Dieu est à son apogée, on ne compte pas moins de 750 lits. Suite à l’application du programme de l’assurance-hospitalisation en 1961 et l’adoption par le gouvernement du Québec de la Loi sur les hôpitaux, l’influence du personnel laïque s’accroit dans la gestion des hôpitaux. C’est la révolution tranquille. Les Hospitalières forment la Corporation de l’Hôtel-Dieu. Le nombre de lits baisse à 400. En 1973, un directeur laïque, Yves André, succède à la dernière directrice Hospitalière de Saint-Joseph, sœur Thérèse Trottier. Les sœurs demeurent sur le conseil d’administration jusqu’en 1996.
En 1992, sœur Thérèse Payer fonde le Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu, le seul à Montréal à retracer l’histoire des origines de la métropole et de son premier hôpital. Par ailleurs, il n’y a pas un étage ou un endroit à l’Hôtel-Dieu qui n’ait pas de référence à son histoire et à ses origines. Grâce aux sœurs, on croise des médaillons, des écussons, des statues, des vitraux, tant dans les lieux publics que dans les structures internes réservées au personnel, jusqu’aux pavillons qui portent le nom des fondateurs de l’Hôtel-Dieu et de Montréal.
En 1996, l’Hôtel-Dieu, l’hôpital Saint-Luc et l’hôpital Notre-Dame fusionnent pour devenir le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Avec la répartition des soins de santé dans les trois hôpitaux et le virage ambulatoire, le nombre de lits est réduit à 250. Depuis lors, les religieuses cohabitent avec le CHUM, dont les bureaux de la direction générale se trouvent, à partir de ce moment, dans le pavillon Olier, un des plus anciens bâtiments de l’Hôtel-Dieu.
En 2010, le CHUM entame la construction des premiers édifices du nouveau CHUM dans le sud de la ville. Le déménagement de tout le corps médical de l’Hôtel-Dieu est imminent. Le Centre de recherche et les bureaux de la direction générale du CHUM, premiers à quitter les lieux, s’installent au centre-ville dès 2013.
L’Hôtel-Dieu sera vendu, indiquait le journal La Presse, le 28 mars 2013. En effet, afin d’aider à financer la construction du nouvel hôpital, le gouvernement a demandé au CHUM de lui dresser un inventaire des bâtiments jugés excédentaires. Un comité interministériel a été créé pour se pencher sur l’avenir de ces bâtiments. Des comités de citoyens se sont formés pour préserver sa vocation et le maintenir dans la collectivité. Pour sa part, le syndicat des employés du CHUM, également présent dans les débats de sauvegarde de l’Hôtel-Dieu, se tourne vers l’avenir des services de santé et du soin des malades. Une continuité naturelle de la vocation première de l’hôpital peut encore avoir lieu compte tenu des besoins criants en matière de santé. Pour l’heure, il a été annoncé que des services de santé devraient se poursuivre jusqu’en 2021.
Enfin, dans un esprit de conservation du patrimoine matériel et immatériel, plusieurs défendent le caractère historique et patrimonial unique de l’édifice et de sa vocation en lien avec les origines de Montréal. Un énoncé de l’intérêt patrimonial du site de l’Hôtel-Dieu a été publié par la Ville de Montréal en mai 2016.